Tendance acidulée

Chatons, licornes et emoticons

À l’ouest, les Twee : désigne quelque chose d’excessivement mignon, et représente maintenant tout un mouvement culturel. La sonorité «Twee» vient de la manière dont les petits enfants disent «sweet» («doux», «joli», en anglais). À ne pas confondre avec un hipster, qui est ironique, décalé, intellectuel, travaille un look branché et adopte un air affecté. Une personne twee est naïve, lisse, bienveillante, toujours positive et très premier degré.

À l’est, la version Kawaii : adjectif japonais signifiant « mignon », « adorable ». L’esthétique kawaii est colorée, légère, enfantine, et semble inappropriée quand elle est utilisée dans les publications gouvernementales, les annonces de l’armée ou des compagnies aériennes.

Cette culture sucrée s’érige dos à la vie réelle, la crise économique et la dureté du monde… Les valeurs twee sont rétro et réconfort, gentillesse et partage.

Quelques exemples pour bien illustrer notre propos. Fermez les yeux et imaginez-vous : un film de Wes Anderson, un ukulélé devant le soleil couchant, des cupcakes, des chatons, des photos avec un appareil Polaroid, des vêtements d’inspiration 1950s’, un vélo aux couleurs chatoyantes, des smoothies Innocent, des biscuits Michel & Augustin, etc.

Est-ce que vous n’avez pas une « feel-good » sensation ? D’ailleurs, qui n’est pas tenté d’ajouter des emoticons dans ses mails et textos ?

Stratégie ?

Les produits dérivés de la culture kawaii sont extrêmement populaires au Japon dans l’Asie du Sud-Est. Cette tendance douce et positive se traduit essentiellement par des choix de consommation.

Dans SEDUCING THE SUBCONSCIOUS: The Psychology of Emotional Influence in AdvertisingRobert Heath explique que nous sommes beaucoup plus réceptifs à des éléments d’ordre émotionnel qu’à des arguments rationnels. Notre subconscient, guidé par des émotions perçues d’instinct, prend des décisions, sans que la raison n’intervienne.

C’est le discours de Bouygues Telecom, dans sa publicité : « Vous aimez ces chatons adorables, nous vous avons concocté un film drôle et tendre pour vous faire plaisir. » De nombreuses marques utilisent cette tentation d’un « monde-nuage », chaud et doux, pour divertir, séduire et influencer les consommateurs

Un certain malaise…

Le monde twee est fantaisiste, « bisounours », il mélange les univers et comportements des adultes et des enfants. Comme quand on mange trop de chocolat, il peut en devenir écœurant. Ses détracteurs lui reprochent de manquer d’authenticité, de simplicité, d’honnêteté.

Immature, inconscient du monde réel et ne supportant pas ses frustrations, le twee est relativement égocentrique, se tournant vers son cercle amical et familial exclusivement. Généralement aisé, il ne prend pas beaucoup de risques et se complait dans son apparente excentricité.

Il est amusant de voir qu’à l’héroïne twee de New Girl Zooey Deschanel, on oppose souvent la trash Lena Dunham et sa série Girls. Comme deux options pour un trentenaire aujourd’hui : vie gentille un peu stupide, ou trash et désespérante. Deux modèles deux façons d’acheter, de se comporter, qui ne donnent pas vraiment de sens à nos actes, au fond.