Pour Marie-Paola Bertrand-Hillion, prendre une photo, c’est transmettre un message. Pas besoin de règle ou de justification technique. La jeune femme poursuit un but, traduire sa pensée, ses envies et sa volonté. Portrait d’une autodidacte déterminée et passionnée de mode.
« J’aime les photos lumineuses, contrastées. Je déteste que l’on me demande de désaturer une photo. Je veux que l’on me choisisse pour mon style. » Du haut de ses 29 ans, Marie-Paola Bertrand-Hillion sait ce qu’elle veut. Photographe professionnelle depuis cinq ans, elle se poste à la sortie des Fashion Week et mitraille blogueuses, journalistes, acheteurs et autres acteurs, pour réaliser des photos de street style. « Il s’agit de capter la lumière, le mouvement, de composer avec le temps. Je repère les looks de chacun, je choisis en fonction des tendances que j’ai repérées sur les réseaux sociaux. Il faut savoir se placer, se respecter, entre photographes. Parfois nous sommes dix, parfois cent. Le soir, je trie mes photos et je recherche sur Instagram les gens que j’ai pris en photo pour les taguer. C’est un système de collaboration, chacun accorde à l’autre une certaine visibilité. » Ces photos, Marie-Paola les envoie à son agence de presse, qui se charge de les vendre aux magazines de mode. Elle ne travaille pas sur commande mais propose ses choix stylistiques, gardant ainsi sa liberté, sans pression éditoriale.
Depuis une petite dizaine d’années, Marie-Paola soigne sa présence sur les réseaux sociaux, notamment Instagram. Ce travail de longue haleine lui a permis de se faire un nom dans le milieu de la mode en shootant des blogueuses populaires. Au début des années 2010, l’appli en est à ses débuts et les photographes ne s’y intéressent pas vraiment. La jeune femme s’engouffre dans le créneau et entre en contact avec les influenceurs. C’est ainsi qu’elle est repérée par des marques de mode, qui la contactent pour des shooting-commandes. En parallèle, un stage dans le luxe – elle sort d’école de commerce – et un passage à l’Institut Français de la Mode à Paris la poussent à s’orienter vers la photographie de mode.
Nouvelle voie
Aujourd’hui, alors qu’elle est en pleine ascension professionnelle, Marie-Paola décide pourtant de quitter Paris. Après six ans d’une vie trépidante ultra-parisienne, elle revient, en famille, à Hennebont (56), la ville de son enfance. C’est désormais un équilibre personnel qu’elle recherche, une vie plus calme, « à la campagne » selon ses termes. Être photographe de mode et vivre dans le Morbihan ne vont pas forcément de pair. Mais cela ne semble pas décontenancer la jeune femme. Marie-Paola a plus d’un tour dans son sac. D’abord, elle continue les allers-retours réguliers vers Paris, pour les Fashion Weeks et les shootings de marque. En parallèle, elle tente de développer un réseau local. En repartant de zéro : suivre les modèles sur Instagram et les contacter pour leur proposer des collaborations sur des marques locales.
Elle repère également de nouveaux lieux de prise de vue, en quête d’ambiances différentes. Marie-Paola songe à faire venir son petit microcosme jusque dans les campagnes morbihannaises. Une grange borde sa maison, elle la verrait bien transformée en studio. Pour accueillir des marques, mais aussi des collègues photographes. Et si Lorient devenait un haut-lieu de la photo de mode ? Les friches industrielles, les ports de pêche, les prairies aux herbes hautes… Autant de paysages radicalement différents des ruelles parisiennes. Le défi est de taille, elle ne le nie pas. Ici, il faut creuser pour dénicher les différents prestataires, éparpillés sur tout le territoire. Et puis, le côté solitaire de la photo s’accentue encore lorsque l’on s’éloigne des flashs parisiens. Pourtant, son ambition ne faiblit pas. « J’aimerais devenir une référence bretonne dans le milieu des photographes de mode. De nouveaux décors s’offrent à moi, de nouveaux univers. Je veux montrer de quoi je suis capable. Trouver de nouvelles poses et de nouveaux accessoires. »
Photographie militante
Si elle souhaite s’imposer en tant que photographe de mode, Marie-Paola a également d’autres envies. Comme celle de partager sa conscience écologique. Progressivement, elle s’est éloignée des marques qui ne collaient pas à ses convictions, pour mettre en lumière des productions plus éthiques. Fabrication française ou européenne, matières respectueuses du corps et de l’environnement, mode seconde main, Marie-Paola tire désormais le portrait de cette mode éco-responsable. « Je sélectionne beaucoup car j’ai envie que mon travail soit en accord avec mes valeurs, je n’ai plus envie de participer à un système que je ne cautionne pas. C’est devenu viscéral.» Désormais elle-même influenceuse – 34000 followers sur Instagram tout de même – elle profite de sa notoriété pour parler de ce qui lui tient à cœur et envisage désormais son métier avec militantisme.
Pour découvrir le travail de Marie-Paola, c’est par là.