Olivier Pouvreau est architecte depuis une quinzaine d’années. Après avoir travaillé dans différents cabinets en Bretagne, il s’est installé à son compte, à Lorient, il y a quatre ans. Pour Olivier, être architecte, c’est partir à la rencontre de sa ville. Comment sublimer l’identité d’un quartier et révéler son potentiel ? Voilà une question qui taraude en permanence ce rêveur actif. Pour nous transmettre sa vision du métier, Olivier a choisi de présenter un projet qu’il développe actuellement et qui lui tient tout particulièrement à cœur. Masterclass en cinq questions.
Coconut : Depuis cet été, vous développez un projet de réhabilitation dans l’avenue de la Perrière, derrière le port de pêche de Lorient. De quoi s’agit-il ?
J’aime beaucoup ce quartier, notamment pour son ambiance assez rock, son brassage culturel et bien sûr son caractère portuaire et industriel. J’ai eu envie de travailler sur l’ancienne fourrière municipale de la Perrière, au bout de l’avenue (ndr : actuellement fermée pour raisons de sécurité) . Cela fait un moment que je connais ce lieu, qui est à l’abandon. J’y suis d’abord venu pour admirer les différents graff, et notamment l’immense fresque de Kaz et Ezra, que je trouve magnifique. Elle est assez connue, le Routard en parle et plusieurs articles sont parus dans la presse à son sujet. Cet été, je l’ai montrée à Jérôme Rougier, mon stagiaire, et on s’est lancé un défi : réfléchir à un programme de réhabilitation pour cette fourrière et le porter à la mairie de Lorient.
Coconut : Que proposez-vous pour ce lieu ?
On a repéré la végétation qui pousse déjà à l’intérieur de l’entrepôt. On veut la conserver et même encourager son développement, avec l’idée de créer un jardin intérieur, à l’abri de la rue. On imagine des parcours pour les piétons et un skate park, par exemple. Bien sûr, on veut aussi préserver le graff de Kaz et Ezra et l’inclure dans une structure qui accueillerait des espaces à disposition des gens du quartier. On aimerait conserver le côté créatif du lieu, inspiré par la fresque, en y installant par exemple des ateliers d’artistes et peut-être un bar associatif. Le graff s’étend autour de verrières, ce qui donne au mur des allures de wagons de train. Kaz et Ezra, que nous avons contactés pour les inclure dans le projet, nous ont suggéré de créer un mur d’escalade, dont ils dessineraient le décor. En toiture, on conserverait le principe existant du shed, la partie nord ouverte et la partie sud fermée, recouverte de panneaux photovoltaïques. Cela respecte la forme de l’entrepôt et permet de produire l’électricité du lieu.
Coconut : Comment avez-vous présenté le projet à la mairie ?
On voulait mettre en avant notre démarche spontanée, inspirée par l’endroit lui-même. Quand nous avons rencontré l’adjointe à la culture, nous avons d’abord parlé du site et de l’intérêt de préserver notre patrimoine industriel. Le quartier de Keroman possède un certain potentiel touristique, grâce à son caractère, mais aussi ses liaisons de bus et bateaux. On a aussi parlé de la fresque, et de la rue Florian-Laporte (ndr : au sud de l’entrepôt) qui concentre plusieurs œuvres de street art. On a voulu mettre en valeur la qualité de cet art spontané et son importance. Nous avons aussi présenté des exemples de friches industrielles réhabilitées dans d’autres villes, comme Alstom à Nantes ou Les Capucins à Brest. Il y a un vrai tourisme qui se développe autour de cette thématique.
Le projet de reconversion en lui-même propose d’ouvrir ce lieu au plus grand nombre, en sauvegardant l’existant tout en développant ses atouts. Le coût de réhabilitation est ainsi modéré. Le principe est d’accompagner le bâtiment dans une seconde vie, au lieu de le détruire, et de le transformer en parc urbain.
Coconut : Comment votre projet a-t-il été reçu ?
Pour l’instant, rien n’a été décidé, mais la mairie n’a pas non plus rejeté l’idée. Le lieu était au départ destiné à la vente, mais il faut d’abord le dépolluer et le sécuriser. Et puis, le fait que la presse s’y intéresse, notamment grâce à la fresque de Kaz et Ezra, joue pour la réhabilitation.
Coconut : Quelles sont les prochaines étapes ?
France 3 a réalisé cet été un reportage sur le lieu, dans lequel nous avons pu évoquer notre projet. Par la suite, j’ai été contacté par un autre acteur de la Perrière, porteur d’un projet de restaurant associatif, et qui verrait son lieu dans l’ancienne fourrière. On s’est donc mis à élaborer ensemble cette nouvelle idée, lui en tant qu’exploitant et moi comme architecte. Cette fois, nous avons des contacts avec l’adjoint à l’économie de la mairie, qui travaille sur le développement du quartier. C’est une bonne piste. On part ainsi sur une inspiration de biergarten, à la berlinoise, qui mêlerait plusieurs activités et accueillerait ponctuellement des événements.