Le temps d’une après-midi, Yvon Le Borgne a accepté de nous rencontrer pour partager son expérience de maître d’œuvre en bâtiment. Portrait d’un homme exigeant et minutieux, qui place l’humain au cœur de son métier.
Yvon est plutôt discret à La Colloc. Les grands discours, ce n’est pas pour lui. Etre interviewé l’impressionne d’ailleurs un peu. Lorsqu’il s’assoit en face de nous, il pose devant lui deux mousses au chocolat, gourmande manière de se donner une contenance. Au départ, il y en avait une pour son collaborateur, Vincent. Au final, il mangera les deux.
Le crédo d’Yvon, c’est l’action. Maître d’œuvre d’étude et d’exécution depuis près de quinze ans, c’est un véritable chef d’orchestre du bâtiment. En amont, il réalise l’étude, le montage technique et financier, dirige l’appel d’offre et les négociations avec les entreprises. Une fois le projet signé, il pilote le chantier et coordonne tous les corps de métiers. Parmi ses casquettes, on retrouve la gestion du budget et des délais, le contrôle des plans et des matériaux, ainsi que le respect de la réglementation. Son objectif : garantir un résultat conforme aux exigences du client et aux normes du bâtiment.
Le suivi de ses chantiers lui impose d’être souvent à l’extérieur – il officie principalement entre Lorient, Rennes, Nantes et Paris. C’est d’ailleurs pour cela qu’on le croise rarement dans nos murs. Yvon a 36 ans, une femme et un fils ; lorsqu’il ne travaille pas, il se concentre sur sa famille… et pratique un peu le rugby aussi, pour le plaisir. Entre deux phrases, il nous confie d’ailleurs qu’il aurait aimé à une autre époque, toucher un peu plus au haut niveau. Une autre aventure.
Un parcours sans faute
Il y a quelques mois, Nous avons eu la chance de travailler avec lui. Et pourtant, notre projet, une rénovation petit budget, ne correspondait pas tellement à ses standards habituels. Yvon a plutôt l’habitude de suivre des chantiers estimés entre 1,5 et 12 millions d’euros. Comme il est sympa, il a quand même accepté. Mais attention, il ne plaisante pas. Très rigoureux, il ne laisse rien au hasard et gare à celui qui cherche à contourner les règles. Yvon n’est pas de ce bois-là.
Cette rigueur, il la tient de son parcours scolaire et professionnel. Diplômé de l’INSA de Rennes en 2005, école d’ingénieur réputée, ce travailleur acharné embauche immédiatement chez Bouygues Construction. Pendant les six années qui suivent, il apprend beaucoup sur le terrain, mais aussi au cours de formations internes. Cette première expérience professionnelle est fondatrice. C’est elle qui lui permettra d’être repéré par la société INGETEC Bretagne, spécialisée en ingénierie et maîtrise d’œuvre du bâtiment. Après une escapade de six mois en famille à l’autre bout du monde, Yvon intègre l’entreprise familiale, basée à Morlaix. Le courant passe très vite avec ses collaborateurs et il devient le pilier d’INGETEC sur la région sud-Bretagne.
Après sept ans de collaboration, il ambitionne désormais de continuer à développer son territoire et souhaite agrandir son équipe. Avant d’arriver à La Colloc, Yvon travaillait seul chez lui. Mais depuis 1 an et demi, il occupe un bureau qui lui permet accueillir de nouveaux collaborateurs. Vincent Duchemin, 23 ans, l’a d’ailleurs rejoint pour apprendre le métier et l’aider à se développer localement.
Une vision moderne du bâtiment
La deuxième mousse au chocolat touche à sa fin. Il est temps de poser nos dernières questions. Loin des préjugés classiques, Yvon livre une vision juste et éclairée du milieu du bâtiment. Il nous parle d’un métier dur, mais qui évolue. Sur la question de la présence des femmes sur les chantiers, il explique que même si elles sont encore peu nombreuses, les femmes commencent à s’imposer en maîtrise d’ouvrage et maîtrise d’œuvre, mais aussi en tant que chefs de chantier et dans tous les postes qualifiés du chantier. Selon lui, on rencontre dans ce milieu des gens intègres, passionnés et solidaires. Les relations humaines sont d’ailleurs ce qu’il apprécie le plus dans son quotidien professionnel. Paradoxalement, c’est aussi ce qui le met sous pression, lorsque l’entente ne passe plus. Avant de nous quitter, il nous donne trois conseils, à transmettre à ceux qui voudraient embrasser la carrière de maître d’œuvre.
Avoir un bon bagage technique est essentiel. Il faut connaître sur le bout des doigts les normes et la réglementation du bâtiment. Tout ne s’apprend pas sur le terrain et des études solides sont nécessaires. Pour compléter ses acquis, un passage par un grand groupe est indispensable, car on y suit les meilleures formations techniques. Enfin, et il insiste sur ce point, il faut avoir un bon contact humain, afin de mener efficacement et justement ses équipes. Yvon pose sa cuillère et regarde sa montre. Ses chantiers l’attendent.