DECRYPTAGE : Se développer, oui mais à quel prix?

– Par Anne-Laure Guilbaud & Sabrina Millien

A La Colloc, février rime avec « Entreprendre et se développer ». Et parce que nous sommes du genre à mettre en pratique, ces dernières semaines, nous avons aussi planché sur notre propre développement.

Nous sommes passées par tous les stades, de l’enthousiasme rêveur à la prise de conscience pétrifiante, en passant par le doute désagréable. Et ce questionnement, finalement très productif, nous avons souhaité le partager avec vous.

 

1 – A quel moment faut-il prendre la décision de passer en vitesse 2 ? 

Il y a quelques mois, nous avons vécu une « crise de croissance ». Pas de panique, nous dit-on. C’est une phase normale, et même positive, de la vie d’une entreprise, mais elle doit être maîtrisée. Une augmentation rapide de l’activité de l’entreprise peut entraîner des déséquilibres dans son fonctionnement : manque de trésorerie, ressources humaines insuffisantes, capacité de production non adaptée. En résumé, on se développe et pourtant ça coince.

Comment se sort-on de cette crise ? On a d’abord tendance à se tourner vers l’extérieur, vers un nouveau marché, une autre stratégie, un nouveau financement. C’est un premier pas, mais ce n’est pas suffisant. Faire face à une crise de croissance, ce n’est pas uniquement gérer l’aspect financier. Bien sûr, un renforcement du capital peut aider, mais cela ne suffit pas si ce n’est pas accompagné d’une (ré-) organisation de l’entreprise. Dans 90% des cas, les causes profondes de la crise sont internes, et les solutions également.

2 – L’erreur classique : vouloir grandir trop vite 

Vous avez peut-être entendu parler des Licornes*1, ces startup de la « tech » qui lèvent des millions d’euros alors qu’on ne sait pas encore si leur business model sera validé. Lever beaucoup – beaucoup – d’argent permet bien souvent l’hypercroissance, c’est à dire une croissance élevée, rapide et pas toujours maîtrisée. Si le business model, c’est-à-dire la rentabilité, ne reste pas au cœur du projet, alors le précipice n’est pas loin. Une levée de fonds ne doit pas financer les frais de fonctionnement mais les investissements !

La société belge Take It Easy en a fait les frais l’été dernier, puisqu’elle a annoncé la fin de son aventure, malgré une levée de fonds de 16 millions d’euros en 2015. Les dirigeants n’ont pas réussi à gérer cette hypercroissance et la levée a surtout servi à payer le coût d’acquisition des clients, donc les « charges » de fonctionnement.

Attention donc, à l’utopie de la Licorne ! Etre rentable, tout en ayant un impact positif sur la société nous semble être le meilleur chemin pour réussir son développement. C’est la position du Zèbre*2 qui, à l’inverse de la Licorne, galope dans le réel. Et cela implique de prendre le temps de tester, de comprendre, de se faire accompagner et de faire rentrer des investisseurs pas seulement pour leur portefeuille !

Nous avons prévu le développement de La Colloc sur cinq ans, en commençant par définir la valeur de notre projet, afin de fixer un « ticket » d’entrée pour nos futurs investisseurs. Nous avons à cœur que ces nouveaux entrants puissent donner une impulsion nouvelle à notre projet, sans en prendre le contrôle. Nous souhaitons conserver suffisamment de parts pour ne pas être diluées.

*1. Le terme est inventé en 2013 par l’économiste américaine Aileen Lee, pour définir les entreprises dont la valorisation est largement supérieure aux profits qu’elles génèrent. « Licorne » renvoie à leur caractère extrêmement rare (voire fantastique).

*2. Deux chercheuses américaines, Mara Zepeda et Jennifer Brandel, proposent en 2017 ce terme, qui vient en opposition à celui de Licorne. « Contrairement aux licornes, les zèbres ne sont pas des animaux mythiques mais sont bien réels. Ils sont noirs et blancs : ils sont rentables et ont en même temps un impact positif sur la société. Ils ne sacrifient pas l’un à l’autre. »

3- Miser sur une croissance qui viendrait de l’intérieur

Aller à l’international, éliminer un concurrent en le rachetant, acheter ses clients ou ses fournisseurs, …. Quand on parle croissance, bien souvent, on pense croissance externe.

A La Colloc, nous y avons beaucoup réfléchi. Tout le monde nous dit : « vous devriez dupliquer, le concept marche à fond, vous allez cartonner dans d’autres villes ! ». A les écouter, cela donne envie. Mais quand on s’écoute (nous), on se dit que ce n’est pas du tout notre truc. Partager notre expérience, oui. Rayonner plus haut plus fort, oui. En revanche, faire la même chose plusieurs fois, non.

C’est décidé, la croissance viendra de nous. Nous qui ? Nous, les fondateurs et associés, nous les collaborateurs, nous les membres. Avec Sabrina, nous rêvons d’un lieu dans lequel tout devient possible. Nous touchons du doigt cette opportunité et nous devons la renforcer.

4- Soutenons-nous !

Et vous, qu’est-ce qui vous fait rêver ? Est-ce que l’on peut vous aider à développer votre projet ? Et si avec les rêves de chacun, on arrivait à cet écosystème, qui crée du lien social et économique dans notre ville ? Un projet durable, concret et inspirant.

Et si la solution pour s’étendre était de compter d’abord sur nous ? Les femmes et les hommes qui composent le projet. Si chacun d’entre nous s’épanouit dans ce qu’il fait, il sera alors le principal moteur de croissance.

Zoom : La marque Ki ET La, co-fondée par David Angibaud (membre résident de La Colloc), passe aussi la seconde. Découvrez sa levée de fonds participative sur la plateforme Finple. Cliquez ici pour découvrir le projet et la vidéo de présentation de la levée de fonds